Depuis des décennies, Nom Prom-on et son mari font les poubelles de Bangkok. Mais si par le passé ils trouvaient à peine de quoi survivre, un nouveau système d'échange des déchets recyclables contre de la nourriture leur a permis d'améliorer leur quotidien.
"Quand nous avons faim, nous pouvons trouver des détritus à échanger contre du riz, du détergent, du savon et d'autres choses", explique la grand-mère de 61 ans, qui doit également nourrir ses petits-enfants.
Bouteilles, cannettes, papier... Nom et Rai se lèvent tôt pour être les premiers à dénicher les "meilleurs" déchets de la capitale thaïlandaise. Sur leur vieille moto à laquelle est attaché un chariot rempli d'ordures, ils se dirigent ensuite vers un magasin où l'argent n'a pas cours pour échanger leurs trouvailles contre des biens de première nécessité.
Une boutique originale, mais aussi une coopérative créée par deux anciens fouilleurs de poubelles, Peerathorn Seniwong et sa femme Buarin.
"Nous avons réfléchi à comment aider les pauvres, et nous avons pensé aux déchets. Toutes les maisons ont des déchets", explique Peerathorn.
En vendant en gros à des usines de recyclage, la coopérative obtient de meilleurs prix. Et les profits sont redistribués à ses membres, sous forme d'assurance vie ou en les aidant à payer les factures médicales.
Désormais, quelque 800 personnes participent au système: 35 familles de fouilleurs d'ordures mais aussi des habitants de ce quartier de l'est de Bangkok qui ont entendu parler de la coopérative et viennent échanger leurs déchets.
Peerathorn, ancien garde de sécurité et moto-taxi, a eu cette idée après avoir vécu six années sous un pont d'autoroute.
"Parfois, nous devions acheter à crédit des choses comme la sauce de poisson ou le riz", se rappelle sa femme Buarin.
"Mais les gens nous regardaient de haut parce que nous sommes pauvres et ils se demandaient s'ils récupèreraient leur argent. Donc on a ouvert notre propre magasin".
Quelques euros par jour
Sauce de poisson, riz, oeufs, nouilles instantanées, dentifrice et lessive sont parmi les produits les plus demandés par les membres, explique Buarin, précisant que 20 à 30 personnes viennent au magasin chaque jour.
Au total, plusieurs centaines de milliers de Thaïlandais vivent des poubelles, gagnant 200 à 300 bahts par jour (4,90 à 7,35 euros), selon l'Institut d'emballage et de recyclage pour un environnement durable, qui forme les membres de la coopérative en matière d'hygiène et de tri.
Environ un quart des 15 millions de tonnes d'ordures produites chaque année dans le royaume est recyclé, et beaucoup plus grâce à ces petites mains qu'aux efforts de tri sélectif des consommateurs.
Et la coopérative en a inspiré d'autres. L'Institut espère ainsi la création de quelque 80 magasins sans argent dans le pays d'ici fin 2013.
Le projet attire également l'attention de visiteurs du Japon, de Singapour ou du Mexique qui viennent voir comment le système fonctionne.
Un succès qui reflète le changement des mentalités concernant les ordures, estime Gloyta Nathalang, directrice Communication et Environnement chez Tetra Pak Thaïlande, qui opère l'unique usine de recyclage d'emballages carton pour boissons du pays.
"Recycler n'est plus un mot étrange. Tout le monde est conscient que le recyclage peut aider le monde d'une façon ou d'une autre. Donc les gens en sont conscients et veulent faire plus. Mais ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de la mise en place d'un système", explique-t-elle.
Peerathorn, lui, est fier de ce qu'il a accompli depuis ses années dans la rue. La collecte des ordures lui a procuré un bon apport de revenu, assure-t-il. Et des horaires de travail flexibles.
"C'est mieux de travailler comme fouilleur de poubelles parce que je n'ai pas à être l'employé de quelqu'un. Personne ne me dit quoi faire".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire